SAUVEGARDE DES MANUSCRITS SUB-SAHARIENS DE DJENNÉ

L’entrée de Djenné dans l’orbite des échanges commerciaux transsahariens semble remonter au Xe siècle. D’après certains auteurs, Djenné fut le plus ancien foyer culturel de la zone soudanaise. Bien que la ville soit très distante des centres intellectuels du Maghreb et de l’Egypte, ce sont des savants maghrébins et Egyptiens qui animèrent d’abord la vie intellectuelle de la cité. « Dieu a attiré dans cette ville bénie un certain nombre de docteurs et de gens pieux, étrangers au pays, qui y sont venus demeurer ; ces personnages étaient originaires de tribus différentes et de contrées diverses », selon le Tarikh al Sudan.

Mais par la suite Djenné a généré elle-même, parmi les natifs, des détenteurs influents de la science religieuse et de modèle de piété. Les chroniqueurs anciens ne tarissent pas d’éloges sur la science profonde des savants des villes de Djenné et de Tombouctou, dans les domaines de la connaissance de l’époque : droit, grammaire, poésie, astrologie, philologie, philosophie, rhétorique, la charia, etc.

Djenné aurait joué un rôle déterminant dans l’islamisation du Maasina, des pays du Bani jusqu’à la zone frontière (pays mossi et bien au-delà).

Ce rayonnement intellectuel de Djenné justifie pleinement l’existence de plusieurs bibliothèques des érudits dans la ville et bien au-delà.

Djenné, ville multimillénaire construite en banco, abrite des manuscrits dont les plus anciens dateraient du 13e siècle ap. JC. Ces manuscrits sont conservés par les familles qui les transmettent de générations en générations. Ils sont la base de l’enseignement donné par les érudits dans les écoles coraniques ainsi que dans la grande université de Tombouctou. Les manuscrits traitent de poésie, d’histoire, de religion, d’astronomie, de droit, de science, etc.

Les conditions de conservation sont souvent mauvaises et les manuscrits subissent des détériorations importantes dues autant à la sécheresse qu’à l’humidité, aux attaques d’insectes ou de cryptogames.Les manuscrits sont aussi soumis à d’autres risques : déplacement dans des lieux divers, trafics…

Des programmes de conservation et numérisation des manuscrits de Tombouctou ont été soutenus par l’Unesco à partir de 1973 avec l’institut Ahmed Baba.

Le projet de sauvegarde et valorisation conduit par l’association Maison de Sagesse est né de notre rencontre début 2012 à Djenné avec Adama Bocoum, descendant d’une vieille famille et grand connaisseur de sa ville et de ses trésors.

Né en 1982 à Djenné, il est issu d’une vieille famille de Diawando détenteur d’un certain savoir et d’une tradition. Il parle le peul sa langue maternelle, le bambara, le sonrhaï, l’anglais et se débrouille assez bien en français.

De cette rencontre est née une amitié. Adama comme beaucoup de ses compatriotes sahéliens a été forcé à l’exil dans la capitale et soumis aux conditions de vie difficiles dues à cette situation.

Sensible au patrimoine de sa ville et de sa famille, il en est à la fois l’héritier et le défenseur. Il en revit l’histoire jusqu’à revendiquer l’origine de nombre de manuscrits détenus à Tombouctou.

Pour faire face à la situation délétère dans laquelle vivent ces populations et aux menaces qui pèsent sur un patrimoine culturel aussi important pour l’histoire africaine, nous avons ensemble et au fil de nos rencontres ici et là-bas* construit un projet de sauvegarde en plusieurs étapes :

  • Acquisition de cinquante manuscrits par l’association Maison de Sagesse accréditée par l’UNESCO,
  • Identification de ces manuscrits, de leurs origines et de leurs contenus, avec l’appui d’experts historiens,
  • Restauration des manuscrits sous convention avec des bibliothèques dont la Bibliothèque Nationale de France,
  • Collecte de fonds pour des actions de restauration et de numérisation dans une bibliothèque à Djenné.

 

* merci particulièrement à André Stern, architecte membre d’ICOMOS (UNESCO)

Enfin, entre 2014 et 2017, Maison de Sagesse a organisé plusieurs évènements contribuant à partager et à faire connaître ce patrimoine culturel de l’histoire africaine et indissociable de l’histoire du monde

  • Exposition à la bibliothèque de l’Alcazar (Marseille),
  • Au musée Jean de La Fontaine (Château-Thierry), exposition et conférence l’importance patrimoniale des manuscrits par Samir Khairallah (responsable du secteur littérature arabe à la BNF),
  • Dans le cadre de l’EM Fest – Festival Essonne Mali, à la Médiathèque départementale de La Ferté-Alais, exposition et conférence Le patrimoine littéraire des peuples sahélo-sahariens par Ismail Warscheid (docteur à l’EHESS) et projection du film Timbuktu suivie d’un débat au cinéma Arcel (Corbeil-Essonne)

 

 

 

 

 

 

 

Chargé de mission : Yannick Champain

Partenaire : André Stern, architecte ICOMOS (UNESCO), Ami de MdS et donateur